"Quand le bâtiment va, tout va."

Martin Nadaud, ouvrier maçon devenu député en France à la fin du 19è siècle, a dit cette phrase qui peut être lue de différentes manières.

Peut-être parlait-il des emplois que le bâtiment crée sans cesse, encore de nos jours...

Personnellement, je le vois d'une autre manière.

Quelle société peut se permettre d'avoir des constructions si peu solides comme la nôtre?

Il y a quelques années, je me souviens avoir entendu parler d'une caravane qui avait pris feu sous un pont. Lequel pont fut fermé à la circulation le temps de le refaire totalement... J'avais été vraiment choquée de me dire que l'incendie d'une petite caravane remettait en jeu la solidité d'un pont en béton...

Aujourd'hui, au début du JT de 13h, ces émotions me reviennent de plein fouet en découvrant les images de ce viaduc littéralement saucissonné qui vient de s'écrouler à Gênes, en Italie. J'ai beau me creuser les méninges, je ne comprends pas. Comment se fait-il que nos constructions soient considérées comme "vieilles" au bout d'une cinquantaine d'années alors qu'on retrouve encore sur pied des bâtisses de l'époque des romains...

Cela dit, ce n'est pas un manque de budget pour la construction qui est à blâmer vu les sommes astronomiques annoncées avant chaque chantier public!

Alors, où passe tout cet argent? Dans la conception? Cela semble de moins en moins être le cas... Dans les matériaux? Je n'oserais même pas me lancer dans une réponse! Mais alors où?

Ouvrons les yeux: l'argent glisse de mains en mains sans jamais atterrir au bon endroit. On fait des économies de bouts de chandelle, on préfère l'esthétique à la sécurité, on préfère la gloriole à l'utilité publique. Du grand n'importe quoi!

En attendant, à l'heure où j'écris ces lignes, on dénombre déjà 33 morts et tant de blessés suite à ce terrible événement!

Alors, quand le bâtiment va, tout va... et quand il ne va pas, rien ne va?

Si je me fie aux infos que j'ai glanées sur ce viaduc, ce n'est guère rassurant. Il a deux "jumeaux" dans le monde dont un déjà écroulé peu après son ouverture et dont la structure avait été remise en cause déjà lors de sa conception. Celui de Gênes avait déjà été "diagnostiqué" défaillant dans les années 80 et, fin des années 90, on avait presque doublé son prix suite aux réparations déjà entreprises. Ce tronçon était d'ailleurs en travaux depuis quelques semaines...

Maintenant, je pourrais aussi m'arrêter sur les images que j'ai pu voir lors des JT de ce jour... incroyable mais des morceaux entiers sont "simplement" tombés 45m plus bas. Des morceaux entiers... Le pont ne s'est pas détruit, il ne tenait juste plus sur ses pylônes de soutien! Carrément dingue!

Quand je regarde autour de moi et que je découvre toutes ces nouvelles constructions (qui ne sont pas de mon goût esthétiquement parlant pour la plupart mais c'est un autre débat), j'ai une drôle de sensation. Au bout de quelques années, on sent leur obsolescence... La dernière gare des Guillemins semblait "magnifique" à ses débuts. Régulièrement, on voyait de drôles d'hommes-singes, au bout de leurs filins, occupés à nettoyer les (trop) nombreuses fenêtres de sa structure. Neuf ans plus tard, cela fait bien longtemps que ces vitres ne sont plus lavées... Malheureusement, le choix esthétique et attrayant n'a pas été fait dans l'esprit "service public" qui devrait pourtant primer dans de telles décisions...

Je ne serai pas étonnée que les premières défaillances soient annoncées... Cela dit, elle n'est guère pratique pour les usagers, qu'on se le dise!

Une dernière fois, je reviens sur l'argent dépensé pour toutes ces splendides, extraordinaires conceptions, inimaginables il y a quelques dizaines d'années encore... Ne pourrions-nous penser, juste un peu, à la pérennité de tout cela? Ne pourrions-nous tenir compte de l'utilité réelle, du côté pratique, des surcoûts (comme ces vitres à laver sur la gare Calatrava des Guillemins à Liège) prévisibles, ...?

La loi nous impose de gérer notre vie et notre budget en bon père de famille.

J'aimerais croire que cette loi s'applique aussi à tous ces décideurs qui ne pensent qu'à eux. Que ce soit au niveau financier ou pour le retour positif sur leur réputation que cela leur apportera.

J'aimerais croire que notre société sera capable de laisser de réelles traces architecturales à nos descendants. A l'image du pont du Gard, de nos nombreuses cathédrales ou encore de ces châteaux qui nous font tant rêver...

J'aimerais...

Quand le bâtiment va...

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